mardi 14 avril 2020

La secondarisation du supérieur

    Chers lecteurs,

    Osons le dire – de but en blanc, sans préambule : d’année en année, l’Université se transforme en une gigantesque poubelle. 
    Avouons-le sans détours : loin de former l’élite, ou si peu, l'Université est le principal réceptacle des déchets d’Admission Post-bac – pardon, de Parcoursup.

    Pour faciliter leur réussite, il faudrait supprimer les cours magistraux, accroître la méthodologie, individualiser les parcours. Transformerait-on l’Université en lycée ?

    De manière générale, nous assistons, depuis quelques années, à une secondarisation du supérieur. Le niveau s'effrite. Les préceptes du secondaire doivent être (re)vus, sinon (ré)appris après le baccalauréat. 
    Débâcle de l’orthographe. Dédain face à la grammaire. Incapacité à faire des phrases.

    Et que dire de ces collègues – poltrons velléitaires, progressistes bienpensants ! – préférant s’adapter au médiocre, perçu comme une simple évolution des publics (Cf. Les étudiants), que d’en dénoncer l’ampleur ? Seraient-ils, pour considérer de telles sornettes, constamment beurrés à la Suze ?

    Très bien : faisons des stories pédagogiques sur Insta, acceptons les minishorts, les téléphones, les Snap et les jurons en TD. Avec une ambiance aussi fleurie, au moins nous croirons-nous au Jardin des plantes. 
    J’amènerai l’arrosoir. Ce sera bath.

    En télétravail depuis ma terrasse, une Corona à la main, un bob Cochonou sur la tête, je me réjouis finalement de ce confinement salutaire. 
    Car, plus encore que le Covid-19, la bêtise est contagieuse.


    Pr. Fourbe

lundi 13 janvier 2020

Le doux monde de l'université


   Chers lecteurs,

   En dépit d’une apparente placidité, l’Université, noble institution, temple du Savoir, est avant tout un monde d’oppositions, de conflits, de rivalités idéologiques, de rancœurs personnelles et de guerres de clans.

   Comment décrire la quotidienneté universitaire, sinon par une floraison de bassesses, de petites phrases et de coups bas odieux… ?

   Eructations érosives. Humiliations symboliques. Punchlines chanmées.

   Imaginer une équipe pédagogique soudée, unie par le même désir de faire progresser tant les étudiants que la Connaissance, n’est pas seulement une erreur, mais une gigantesque blague (cf. le roi des fourbes). 
   Aux alliances de circonstances, fondées le temps d’un Conseil, d’une réunion, ou dans un objectif précis – faire échouer un vote, négocier un plus grand bureau, etc. –, succèdent les coalitions durables, passionnées, hostiles les unes aux autres sur tous les fronts et jusqu’à la fin des temps.

   Si nous luttions à la force des poings, j’aurais les phalanges rouges et, certains collègues, quatre ou cinq dents en moins.

 
 
   Pr. Fourbe

mardi 17 septembre 2019

Les étudiants : bim, bam, boum


   Chers lecteurs,

   En cette rentrée naissante, alors que le premier semestre balbutie, il était exclu que je manquasse à mes obligations et omisse d’évoquer avec vous un sujet aussi important que les étudiants d’aujourd’hui.

   En quelques mots ? Délitement intellectuel. Débâcle culturelle. Consternation. 

   Une nouvelle génération d’esthètes, fanatiques du smartphone, dont les plus illustres phénomènes, fagotés de tenues estivales peu en adéquation avec la rigueur des amphis, sont déjà, le premier jour, démunis de carte d’étudiant, de jugeote, et du moindre savoir-vivre.

   Désolé, gros : askip on n’est pas là pour ambiancer.

   Et que dire de certaines étudiantes, débordant de fond de teint, plus orange que Donald Trump, davantage adaptées au casting de Cagole Academy qu’à une procédure Parcoursup… ?

   Face à tel public, je pressens dès lors – fébrile, résigné – les copies garnies de truismes sans le moindre intérêt, dont le langage kikoulol et l’orthographe ubuesque font davantage écho aux Anges de la Maison des Secrets Saison 8 qu’à une narration ambitieuse.

   Ajoutez à cela une politesse très relative, un labeur déplorable et une street cred marquée, et vous aurez un portrait fidèle de notre nouvel auditoire.

   Et ça espère vraiment passer en L2 ? Déso, pas déso : y a pas moyen, Djadja.




   Pr. Fourbe

vendredi 13 septembre 2019

La rentrée


   Chers lecteurs,

   Difficile, en tant que fin représentant du corps enseignant, de me soustraire plus longtemps à la rédaction d’un billet consacré à cette transition vers le labeur, à cet éternel recommencement, à cette agonie de l’été que signifie la rentrée.

   Cette année encore, après avoir un temps savouré l’exquise saveur d’une tranquillité sans faille, idéale pour mener un semblant de recherche, loin des amphithéâtres grouillants, des collègues barbants et des couloirs fades, vous fermez votre résidence secondaire et, le cœur gros, le bagage lourd – d’articles scientifiques, évidemment (cf. les vacances de l'enseignant-chercheur) –, reprenez la route avec une once de regret.

   J’ai l’air d’appréhender la rentrée. C’est un peu plus complexe.

   Ah ! Les au revoir émus à la chaise-longue, à l’atmosphère iodée, aux petits crabes de couleur, mais aussi aux zazous des plages qui, aussi insensibles à la désagrégation de leurs neurones qu’à la cuisson de leurs épidermes, restent affalés sur leurs serviettes et, scotchés à leurs smartphones, ingurgitent des glaces bleues. 
   Ajoutez à cela Bella ciao, les tatouages Carpe diem et les éclaboussures sableuses, et vous comprendrez ô combien j’abhorre la plage.

   La rentrée est presque moins détestable. 
   En dépit de considérations organisationnelles toujours imprécises, je retrouve rapidement mes repères, mes habitudes et les plaisirs associés à mes fonctions : le délice de nouvelles stratégies de pouvoir, l’accueil des nouveaux collègues, dont l’innocence fait sourire, la contemplation des frimousses des L1, aux traits effrayés par l’échec annoncé d’une majorité d’entre eux.

   En somme, la rentrée est une belle journée. Peut-être même l'une des meilleures.



   Pr. Fourbe

vendredi 22 février 2019

L'amphithéâtre grouillant

   
   Chers lecteurs,

   Symbole de l’Université s’il en est, l’amphithéâtre est un drôle de lieu. 
   Enlaçant l’abondante assemblée, composée à la fois d’aucun et de mille visages, il est le réceptacle d’une cueillette universitaire des plus hétéroclites.

   Vous devinerez ainsi, parmi les premiers rangs, la petite crème des besogneux ponctuels, attentifs, dont l’expression et les hochements de tête, subséquents à vos explications, vous permettent de situer l’intelligibilité de vos propos.

   Plus loin, répartie aléatoirement, comme dispersée par le renversement du panier, l’armada des étudiants moyens, auxquels les prompts renforts technologiques ont su soustraire, au fil des années, jusqu'au dernier quantum de concentration. 
   Çà et là, quelques aoûtats endormis, shootés aux SMS et autres notifications Snapchat, subissant, heure après heure, l’inaltérable logorrhée ou le verbiage de quelque barbant collègue (cf. La Maître de conférences insipide).

   Enfin, le fond de l’amphi, territoire des retardataires, mais aussi et surtout des jeunes zazous qui font le tintouin, taguent les toilettes et fraudent dans le bus.

   Au fil des semaines, nous ne connaîtrons jamais que quelques spécimens parmi la vaste et anonyme flopée des apprenants.
   « Encore heureux ! » conclurait le PRAG détestable, levant les yeux au ciel alors que je me surprendrais à sourire.


   Pr. Fourbe

samedi 1 décembre 2018

Les agréments de l'hiver


   Chers lecteurs,

   Amphithéâtres clairsemés, flopée de bonnets et d’écharpes, concert de toux grasses et trafic de Lysopaïne : autant de symptômes annonçant, en même temps que l’hiver approchant, la fin du premier semestre.

   Ah ! Quelle joie de retrouver décembre !

   Les nez qui coulent, les bureaux surchauffés, le moral en berne – une armada de plaisirs dont la froide saveur ne nous manquait que trop.

   7H51.
   Ayant vérifié par six fois la bonne fermeture des portières de ma DS 21, je m’applique désormais à ne point choir sur la chaussée, mes semelles, que voulez-vous, n’ayant pas l’adhérence des Michelin de ma célébrissime monture.

   Un troupeau d’énergumènes, me voyant arriver, m’adresse des salutations bruyantes auxquelles je me garde bien de répondre. Pas question d’une quelconque familiarité avec de tels marlous – baskets criardes, cigarette au bec, doudounes sac poubelle, vous voyez le tableau.

   Du bout du gant (#microbes), je pousse la porte du bâtiment, aimable refuge face à la ventosité.

   Révérences matutinales. Hypocrisie. Grosse ambiance. 
   Le PRAG détestable bougonne. Le jeune Agrégé se pavane. Le Professeur Tournesol cherche ses copies, sa salle, son parapluie et ses clés de voiture. 

   Quelques étudiants – visiblement déguisés en mendiants – nous contournent sans égards. 
   Stupeur et consternation. 

   Un court échange de banalités suffit à admettre l’évidence : tiédissant à peine les ruines du savoir-vivre, aucun thermostat ne réchauffera jamais l’atmosphère d’une Université en déclin.


   Pr. Fourbe

dimanche 1 avril 2018

Mon amitié avec le PRAG détestable


   Chers lecteurs,

   Tandis que d’aucuns sont économes de leur mépris (#Chateaubriand), le PRAG détestable, généreux, le déverse par brouettes. Exécrable au possible, négatif et amoral, notre ami n’en constitue pas moins, au sein de notre bel établissement, un arc-en-ciel des plus rayonnants. 

   Explications en trois S.

   1°/ Le PRAG détestable est Swag.

   Avec ses complets noirs et sa Mercedes, le PRAG détestable plante le décor. Ambiance austérité et cimetière, Dies Irae et mauvaises notes. 
   
   Les étudiants baissent les yeux devant ce professeur ombrageux, comble d’intransigeance et de dédain, dont les richelieus exhalent le cuir et le cirage haut de gamme. 
   
   Bim, bam, boum. Mr. Hyde en costume Boss : le tortionnaire est dans la place. 
   
   2°/ Le PRAG détestable est Sinistre.

   Statut, grade, sexe, couleur : le PRAG détestable ne fait pas de distinction. Chacun a droit à sa petite phrase blessante, son regard glacial, son instant de déconsidération.
   Notre ami voit en le monde un enchevêtrement de drames, une avalanche de VDM, un salmigondis de losers. A ses yeux, l’humanité est le zbeul ultime. 

3°/ Le PRAG détestable est Super.

   Le PRAG détestable ? L’ayatollah du mépris. Le Clint Eastwood de l’obscurité. Le Chuck Norris de la punchline. 

   Au point qu’à ses côtés – que de moments chaleureux, de discours joviaux… ! –, les couloirs de la faculté – s’apparentant à un jardin merveilleux, à un spectacle permanent – deviennent un paradis.

   
   Pr. Fourbe