Bonjour à tous,
Il est devenu une sorte de jeu que de dresser les portraits anonymes de quelques-uns de mes collègues universitaires, avec cependant – vous n’en doutiez pas – le souci affirmé du plus grand réalisme. Ainsi, tel un panel de notes s’étalant du pitoyable à l’excellent, rencontrons-nous, au sein même d’une Université visant à diffuser l’Excellence, des enseignants aux profils formidablement divers.
Il me tenait alors à cœur que je vous présentasse un charmant collègue en la personne du PRAG détestable.
A l’instar de l’Inspecteur Harry, le PRAG détestable exècre tout le monde, sans aucune différence d’âge, de caractère, de sexe, d’orientation, de statut, de diplôme, de nationalité ou de couleur de peau. Le traitement est le même pour tous : après tout, quelles que soient les fioritures sous lesquelles il se pare, un cafard reste un cafard.
Secrétaires, collègues titulaires ou simples vacataires, conférenciers belges, étatsuniens, penseurs français ou britanniques, étudiants asiatiques, portugais ou africains, et jusqu’au balayeur pakistanais ou turc – peu importe… –, tous bénéficient ainsi d’un agréable surnom, notre PRAG réussissant maintes fois l’exploit de cumuler xénophobie, racisme et misogynie au sein d’une unique expression nominant quelque être absolument insignifiant auprès de ses yeux froids.
Vous l’avez sans doute deviné, le PRAG détestable méprise tout un chacun, et sa vanité est sans égale.
La Terre ne mérite pas de porter le PRAG détestable : ce n’est rien de moins qu’un privilège qu’il accorde à celle-ci en daignant, chaque matin, déposer précautionneusement, l’une après l’autre, sur le parking de l’Université, avec l’application lente du gastéropode hautain, la pointe de ses mocassins de cuir, en quittant l’habitacle luxueux de sa Mercedes-Benz toujours impeccablement polie.
Quant à serrer ensuite une main ou offrir quelque salutation, la tâche apparaît trop ingrate. A quoi bon de telles familiarités avec… le décor ?
Incontestablement, en termes d’égo, le PRAG détestable domine le débat : face à lui deviendrait presque frêle le narcissisme du Maître de conférences prétentieux, alors que ma Maître de conférences préférée – mais elle le vaut bien – et Moi-même – je le vaux bien aussi –, passerions presque pour modestes.
Détestant tout et tout le monde, au point même, quelquefois, de leur refuser le droit d’exister en tant qu’identités propres, vous imaginez alors ô combien est grande sa déconsidération à l’égard de ses étudiants. A vrai dire, non – vous n’imaginez pas.
Dénués d’intelligence comme de la moindre jugeote, ils seraient bien incapables de réussir un quelconque examen si le par-cœur, partenaire d’un bachotage acharné, ne leur permettait point de feindre, quoique pitoyablement, la compréhension de quelque leçon. Inutile alors de tenter, auprès de ces incapables paresseux, l’inculcation véritable du Savoir, et encore moins de l’Excellence, lesquels ensembles précités se trouveraient, sans doute et aussitôt, détruits au contact de la médiocrité.
Comme me l’avouait notre plaisant ami, « espérer qu’ils comprissent les fondements les plus simples d’une discipline était déjà, bien évidemment, trop demander ».
Rapportés à l’ampleur de sa pensée, ces propos constituaient, indubitablement, de doux euphémismes.
Ainsi donc s’achève notre présentation du PRAG détestable, au sujet duquel je sus, dès notre première rencontre, qu’il s’agissait d’un être formidable, dont la présence exquise était en mesure d’apporter le plus grand contentement.
Osons le dire : le PRAG détestable rend le monde plus beau.
Pr. Fourbe
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire