jeudi 10 décembre 2015

Le Maître de conférences triste

   Bonjour à tous,

   Aux fins de poursuivre l’inventaire de mes collègues – fussent-ils seulement quelquefois, nous l’avons vu, de simples enseignants dénués de dévotion à la recherche –, je tenais à vous présenter aujourd’hui un spécimen que nous pourrions ensemble qualifier de grisâtre, tant par son teint qu’en vertu de l’état d’esprit qui est le sien. Ainsi préludons-nous cet article consacré au Maître de conférences triste.

   Le Maître de conférences triste ne laisse aucun doute quant à sa nature calme et maussade. D’entrée, avant même ses premières paroles, son expression fade annonce la couleur : le gris. 
    En effet, c’est sans salutations que le Maître de conférences triste réalise son entrée dans l’amphithéâtre, sa frêle sacoche à la main, ne fixant, au loin, que l’estrade qu’il ne quittera plus. Sur le bureau, avec un calme mécanique, il disposera ses feuillets, veillera à leur alignement avec le cadre de commandes des lumières. 
   La vérification faite, il offre un premier regard terne à l’auditoire fourmillant. 
   D’un ton monocorde, terriblement faible, il débute le cours. Face à son audibilité toute relative, le silence vient de lui-même. Il se présente mollement, sans omettre son HDR et ses responsabilités, les énonçant toutefois de guerre lasse, comme si l’habitude leur ôtait toute valeur.

   Point d’emphase ou de gestes théâtraux : le Maître de conférences triste n’a point pour fonction de divertir, pas davantage d’éveiller l’intérêt de ceux qui, déjà, aux derniers rangs, semblent avoir renoncé à suivre les enseignements de notre ami. 
   Bien qu’il osât, à quelque époque passée, quelques blagues et jeux de mots faciles, lesquels lui décochaient alors un pâle sourire vite rejeté, leur sempiternelle répétition, d’année en année, finit par ne plus l’amuser non plus. Il les énonce encore cependant, probablement afin de constater qu’elles ne distraient guère ses étudiants non plus.

   Imaginez alors la folle allégresse régnant dans l’amphi alors que le cours s’achève. Si bien que mon entrée en scène, au terme des longs murmures de mon collègue, est toujours triomphale.

   Par cette présentation succincte, je ne doutais point que vous appréhendassiez davantage l’objet secondaire de cet article : le positionnement que j’effectue de mes cours. 
   En effet, passés, successivement, entre les mains vicieuses de mon ami le PRAG détestable, puis devant l’inébranlable fadeur du Maître de conférences triste, les étudiants s’en trouvent heureux d’assister à l’arrivée du Professeur Fourbe, dont le charisme froid et les répliques assassines passent alors pour pure bénédiction.
   Bonus ultime : terrassés psychologiquement, les étudiants se révèlent aussi dociles que peu nombreux.

   Pr. Fourbe

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