jeudi 15 octobre 2015

L'altruisme n'existe pas, par le Pr. Fourbe


   Bonjour à tous,

   Il serait mentir que de prétendre n’avoir jamais eu la moindre once d’espoir en l’humanité. Je fus bien sûr, comme chacun d’entre nous, un enfant – jeune et crédule, ignorant et rêveur –, et j’y crus un instant. Telle croyance est évidemment révolue depuis fort longtemps. 
   En conséquence, la perception auditive d’inepties vantant la charité de l’Homme, estimant même ce dernier comme « bon » m’a toujours rendu malade. Et, je l’avoue, terriblement amer. 
   Ne faisant aucune exception à la règle, j’ouvrai ainsi de grands yeux, alors que je me trouvais dans mon bureau, en entendant, la conviction dans la voix, le regard pétillant de croyance, un collègue vanter l’altruisme exceptionnel de ces merveilleux êtres appelés humains.

   Il n’en fallait d’ailleurs guère davantage, ce matin, pour je régurgitasse mon chocolat. Je vous le dis tout net : nous avons frôlé la catastrophe – il n’aurait plus manqué que mon breuvage brûlant se rependît sur le bureau, damasquinant au passage, tant copieusement que fortuitement, l’exemplaire, impeccable en dépit de son âge respectable, d’un brillant ouvrage paru en 1776.    
   Je me levai et claquai la porte, me séparant ainsi des hallucinations ahurissantes – voire probablement contagieuses – émises par ce collègue que je pensais pourtant sain d’esprit.

   En effet, il était absolument inconcevable à mes yeux – pour ne pas dire mensonger – qu’existât, en un esprit humain normal, autre pensée que l’égoïsme pur. L’inverse me semblait rigoureusement effarant. 
   A vrai dire, les fondements et préceptes d’une telle théorie de l’égoïsme patientaient déjà en moi depuis fort longtemps : quoi que nous fissions, nous ne cherchassions jamais que notre satisfaction propre, personnelle, dans quelque pensée parfaitement égotiste.

   Transposée au présent, la règle reste la même : chacun de nos agissement n’est calculé qu’en vertu d’une satisfaction devant en résulter. 
   Quel qu’il soit, nous ne faisons chaque geste que pour nous-mêmes, en dépit, parfois, des apparences, lesquelles revêtent souvent les attributs du trompeur.

   Ne croyez pas, lorsque nous donnons une pièce à un nécessiteux, que notre but réel est de lui apporter une aide : il est, en vérité, de nous procurer le plaisir de lui fournir cette aide – satisfaction de secourir, d’une part, satisfaction, d’autre part, d’être reconnu comme l’ayant fait. Apaiser la souffrance d’autrui est un moyen d’éradiquer la nôtre, laquelle naît d’une empathie que nous n’avons pu réprimer. Accessoirement, nous nous donnons bonne conscience.

   Autrement dit, ce n’est guère le malheur ou le tourment d’autrui qui nous gêne, mais le fait qu’il nous gêne – provoqué par cette fameuse empathie –, et nous pousse à agir. 
   Notre titre accrocheur se montre ainsi inexact : l’altruisme existe, mais tout altruisme est intéressé.

   Ainsi, que nous nous efforçassions de corriger les fléaux frappant autrui n’était toujours que le souhait qu’ils n’affectassent plus notre propre expérience.

   La charité n’existait donc qu’aux fins de nous apaiser nous-mêmes, et chacun de nos actes ne suivait jamais que ce but. Donner n’était invariablement qu’un habile moyen de recevoir. 
   Etait-ce pour autant un problème ? Ma foi, non. 
   L’altruisme est fourberie – et c’est sans doute sa plus belle création.


    Pr. Fourbe

2 commentaires:

  1. C'est horrible comme raisonnement professeur !!! Mais même en réfléchissant, je n'arrive pas à vous contredire...

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  2. Cher Anonyme,
    Il était illusoire d'espérer contredire le Professeur Fourbe, même en usant de vos capacités (l'inverse étant d'ailleurs inquiétant).
    Attention à la majuscule de "Professeur", laquelle fait toute la différence.

    Pr. Fourbe

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