Bonjour à tous,
Il est parfois difficile de qualifier ce qui est mauvais, la seule attribution d'adjectifs ne pouvant résumer le caractère médiocre de l'ensemble.
C'est pourtant ce que je tâcherai de faire quant au "roman" Cinquante nuances de Grey.
Par où débuter ? Difficile de choisir, tant les points gênants sont nombreux - on ne sait où donner de la tête.
Le style insipide, l'absence totale de finesse... ? La platitude des phrases, leur caractère lourd et surfait, dont l'inspiration semble droit issue du néant... ?
Que d"hésitations.
Nous pourrions même parler d'un éloge du mauvais goût — non, que dis-je, de la médiocrité. Sans doute les deux se rejoignent-ils.
Un ouvrage érotique, une littérature à faire rougir ? Foutaises. Un discours de François Hollande sur le "retournement économique" me paraît plus excitant.
Loin d'une histoire d'amour plaisante, sensuelle et agréable, il ne s'agit guère que le récit d'une domination révoltante, narré, sans grâce aucune, en un vomissement de banalités, enchaînant platement les scènes crues et vulgaires.
Cependant, l'absence totale de qualités relevant du monde des belles-lettres n'est pas la raison de ma critique. Non ; il s'agit de l'histoire en elle-même, en cela qu'elle constitue une atteinte profonde à toute notion de morale.
En d'autres termes, le fond est infiniment plus immonde que la forme, pourtant compétitive dans ce domaine.
En d'autres termes, le fond est infiniment plus immonde que la forme, pourtant compétitive dans ce domaine.
Alors oui, la relation entre les personnages s'apparente à un ramassis de clichés (c'est le côté lourd) tous plus faciles les uns que les autres (c'est le côté surfait) ; certes, se dessinent au fil des pages des scènes mornes, aussi sexy que le déchargement hâtif d'une benne de gravats ; certes, en dépit d'une bonne volonté évidente, il est difficile d'éprouver, à la lecture, autre ressenti que le déplaisir... mais, dans le cas présent, cela ne compte que peu.
Peu importe la forme lorsque le fond est aussi désagréable à raisonner.
Peu importe la forme lorsque le fond est aussi désagréable à raisonner.
Songez. Le héros masculin est un individu psychologiquement dérangé, un pervers
narcissique, lequel manipule grossièrement (tssk...), et pour la satisfaction de son propre plaisir, une pauvre fille
croyant au conte de fées. Pas de séduction, de galanterie, de sentiments nobles réciproques, mais une influence malsaine, provoquée, ne faisant que créer, au lieu d'un même lien fort, deux relations unilatérales toutes aussi mauvaises.
Celle d'Anastasia envers Grey ; celle de Grey envers Anastasia.
Il me vient alors à considérer Cinquante nuances de Grey comme une sorte de plébiscite, d'apologie de l'immoralité.
Ainsi, ce cher Christian Grey, dont chaque quantum d'esprit se sera perdu dans les méandres du vice, est maintenant source de fantasmes, tandis que quelque homme du réel, à l'impudence comparable, fait jaillir le mépris, le dégoût jusqu'à l'écoeurement. Remplacez l'un par l'autre et ouvrez les yeux.
Isser au rang de fantasme, d'idéal, une conclusion psychologique aussi malsaine, me semble tout à fait dangereux ; c'est la porte ouverte, l'incitation à des débordements sévères, que d'aucuns auront pris pour des recettes pour séduire.
Le résultat de Cinquante nuances de Grey va donc au-delà du simple mauvais goût et de l'addition de défauts. Depuis la conclusion de La Belle et la Bête, on n'avait pas fait mieux. Bravo.
Mais alors, me direz-vous... Pourquoi un tel succès ?
(soupir)
Asseyez-vous, braves lecteurs, et servez-vous un whisky. Pensez à ces drames de l'Histoire, à ces comportements illogiques, à ces frasques stupides entre humains.
Et dites-vous que même le Multipla s'est vendu.
Pr. Fourbe